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rien ne peut peindre l’extase du serviteur de Dieu, il était aux nues, il respirait, il avalait tout ce qu’on lui lançait, on eût dit, qu’il eût été désolé d’en perdre le plus léger souffle, et pendant ce temps-là ses mains s’égaraient sur le sein et sous les cotillons de ma compagne, mais ces attouchements n’étaient qu’épisodiques, l’objet unique et capitale était cette bouche, qui l’accablait de soupirs, enfin son vit gonflé par les chatouillements voluptueux, que cette cérémonie lui fait éprouver, décharge enfin dans la main de ma compagne et il se sauve en protestant qu’il n’a jamais[27] eu tant de plaisir. Un homme plus extraordinaire exigea de moi quelque temps après une particularité qui ne mérite pas d’être passée sous silence ; la Guérin m’avait fait ce jour-là manger presque par force aussi copieusement que j’avais vu quelques jours auparavant diner ma compagne, elle avait eu soin de me faire servir tout ce qu’elle savait que j’aimais le mieux dans le monde, et m’ayant prévenu en sortant de table de tout ce qu’il y avait affaire avec le vieux libertin, avec lequel elle allait m’unir, elle me fit avaler sur-le-champ trois grains d’émétique dans un verre d’eau chaude, le paillard arrive. C’était un support du bordel, que j’avais déjà vu bien des fois chez nous sans trop m’occuper de ce qu’il y venait faire, il m’embrassa, enfonça une langue sale et dégoûtante dans ma bouche, qui acheva de déterminer par sa puanteur l’effet du vomitif. Il voit que mon estomac se soulève, il est dans l’extase : „Courage, ma petite,“ s’écriait-il, „courage, je n’en perdrai pas une goutte.“ — Prévenue de tout ce qu’il y avait à faire, je l’assois sur le canapé, je penche sa tête sur un des bords, ses