Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

noblesse ne négligeait pas plus que les autres les moyens de s’enrichir par cette voie ; car deux illustres personnages intimement liés et de plaisirs et d’affaires avec le célèbre Durcet et le président de Curval furent les premiers qui imaginèrent la débauche dont nous écrivons l’histoire, et l’ayant communiqué à ces deux amis tous quatre composèrent les acteurs de ces fameux orgies.1) Depuis plus de six ans ces quatre libertins qu’unissait une conformité de richesse et de goûts avaient imaginé de resserrer leurs liens par des alliances, où la débauche avait bien plus de part qu’aucun des autres motifs, qui fondent ordinairement ces liens — voici quels avaient été leurs arrangements. Le duc de Blangis, veuf de trois femmes, de l’une des quelles il lui restait deux filles, ayant reconnu que le président de Curval avait quelque envie d’épouser l’aînée de ces filles, malgré les familiarités qu’il savait très bien que son père s’était permises avec elle, le duc, dis-je, imaginait tout d’un coup cette triple alliance : — „Vous voulez Julie pour épouse,“ dit-il à Curval, „je vous la donne, sans balancer, et je ne mets qu’une condition, c’est que vous n’en serez pas jaloux, qu’elle continuera, quoique votre femme, à avoir pour moi les mêmes complaisances qu’elle a toujours eu ; et de plus que vous vous joindrez à moi pour déterminer notre ami commun Durcet de me donner sa fille Constance, pour laquelle, je vous avoue, que j’ai conçu à peu près les mêmes sentiments que vous avez formé pour Julie.“ — „Mais,“ dit Curval, „vous n’ignorez pas sans doute, que Durcet, aussi libertin que vous, —“ „Je sais tout ce qu’on peut savoir,“ reprit le duc, „est-ce à notre âge et avec notre