Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de sa colère si elle s’en dérangeait un seul instant. Tout étant prêt, Duclos monta sur sa tribune et reprit ainsi le fil de la narration :

„Il y avait trois jours que ma mère n’avait paru dans la maison, lorsque son mari, inquiet bien plutôt de ses effets et de son argent que de la créature, s’avisa d’entrer dans sa chambre, où ils avaient coutume de serrer ce qu’ils avaient de plus précieux, mais quel fut son étonnement, lorsqu’au lieu de ce qu’il cherchait, il ne trouva qu’un billet de ma mère, qui lui disait de prendre son parti, sur la perte qu’il faisait, parce qu’étant décidée à se séparer de lui pour jamais, et n’ayant point d’argent, il fallait bien qu’elle prît tout ce qu’elle emportait qu’au reste il ne devait s’en prendre qu’à lui et à ses mauvais traitements, si elle le quittait et qu’elle lui laissait deux filles qui valaient bien ce qu’elle emportait, mais le bon homme était bien loin de trouver que l’un valait l’autre et le congé qu’il nous donna gracieusement, en nous priant de ne pas même coucher à la maison, fut la preuve certaine qu’il n’en comptait pas comme ma mère, assez peu affligé du compliment qui nous donnait, à ma sœur et à moi, pleine liberté de nous livrer à l’aise au petit genre de vie qui commençait si bien à nous plaire. Nous ne songeâmes qu’à emporter nos petits effets et à prendre aussi vite congé du cher beau-père, qu’il lui avait plus de nous le donner ; nous nous retirâmes sur-le-champ dans une petite chambre aux environs, ma sœur et moi, en attendant, que nous eussions pris notre parti sur notre destinée. Là nos premiers raisonnements tombèrent sur le sort de notre mère, nous ne doutâmes pas du moment qu’elle ne fut au couvent