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nous sommes tous deux faits pour aller au grand ; acquérons tous deux plus d’usage et de connaissances ; nous nous réunirons ensuite pour toujours, car le ciel nous a fait l’un pour l’autre : il ne faut pas tromper ses desirs ; aime-moi, Gabrielle, aime-moi, et sois sûre que je ne cesserai jamais de t’adorer.

Juliette, me dit le capitaine, en m’adressant cette partie de sa narration, ce que vous avez vu de Clairwil, est à-peu-près l’histoire de toute sa vie ; elle sut, comme je vous l’ai dit, s’affranchir de ses nouveaux liens, pour vivre libre et heureuse dans le sein du luxe et de l’abondance ; ses liaisons avec le ministre cimentèrent ses désordres, en leur assurant la plus entière impunité. Vous pûtes un instant la soupçonner coupable envers vous ; rendez plus de justice à son cœur, elle ne le fut jamais, et le ministre ne la prévint pas du sort qu’il vous réservait. Je cesse donc ici de m’occuper d’elle, et vais me borner à vous raconter uniquement mes aventures ; près de leur dénouement, vous apprendrez notre réunion, et les motifs qui nous engagèrent à ne plus vivre que l’un pour l’autre, dans