Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon père m’avait fait trancher le fil des jours de ma mère, mais il cacha si bien son jeu, que je fus près d’un an sans m’en douter. À peine instruit de cette trame, que je la confiai sur-le-champ à ma sœur. Cet homme veut nous perdre, mon enfant, lui dis-je ; il y a déjà long-tems que je m’en doute. Ah ! cher frère, me répondit Gabrielle, je t’aurais éclairé, si je ne t’avais pas vu si prodigieusement aveuglé sur son caractère ; nous sommes tous les deux ruinés si nous n’y mettons ordre. Ton ame est-elle aussi forte que la mienne, et veux-tu que nous agissions ensemble ? Vois cette poudre qu’une de mes compagnes m’a donnée, elle lui a servie à s’affranchir, comme nous devons le faire, du joug odieux de ses parens ; imitons-la, et si tu n’oses agir, laisse-moi faire ; cette action m’est inspirée depuis long-tems par la nature, elle est juste, dès qu’elle me la dicte. Frémis-tu, mon ami ? — Non, donne-moi cette poudre, elle sera demain dans l’estomac de celui qui prétend nous jouer de cette manière. — Oh ! ne t’imagines pas que je te cède l’honneur de dissoudre nos fers, nous agirons ensemble. Je vais dîner demain chez Borchamps ; prends