Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foutre et le manger après ; cette chair-là vaudra mieux que celle des marthes et des fouines dont nous faisons journellement ici notre chétive nourriture : j’encule le premier, pendant que mes camarades contiennent l’enfant ; Tergowitz suit ; Voldomir, à cause de la grosseur de son vit, ne passe que le troisième ; nous recommençons ; et quand nous sommes rassasiés du bardache, nous le mettons tout vivant à la broche et le mangeons avec délices. Qu’on a tort, dit le Polonais, de mépriser cette chair, il n’en est pas de plus délicate et de meilleure au monde, et les sauvages ont bien raison de la préférer à tout. Voilà, dit Voldomir, encore une de vos absurdités européennes : après avoir érigé le meurtre en crime, vous vous êtes bien gardé de vous permettre l’usage de cette viande ; et par un orgueil intolérable, vous avez imaginé qu’il n’y avait aucun mal à tuer un cochon pour le manger, pendant que le plus grand crime existerait à faire la même opération sur un homme. Tels sont les sinistres effets de cette civilisation que j’abhorre et qui me fait regarder mes semblables comme une classe de fous dont l’espèce est bien méprisable.