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qu’il flétrissait la couronne des souverains, sans rendre le peuple plus heureux : et qu’a-t-il gagné dans le fait à ce grand changement ? Que lui importe le plus ou le moins d’étendue d’un état dont il n’occupe que quelques toises ; que lui font les arts et les sciences à grands frais transportés sur un sol, dont il ne veut que la végétation ? En quoi le flatte l’apparence d’une liberté, qui ne rend ses fers que plus lourds ? Affirmons-le donc sans aucune crainte, Pierre a perdu la Russie aussi certainement, que celui qui la remettra sous le joug, en deviendra le libérateur ; le Russe éclairé s’apperçoit de ce qui lui manque ; le Russe assoupli ne verrait rien au-delà de ses besoins physiques. Or, dans laquelle des lieux situations l’homme est-il le plus fortuné, est-ce dans celle où le bandeau loin de ses yeux lui fait appercevoir toutes les privations, ou dans celle où son ignorance ne lui en laisse soupçonner aucune ? Ces bases établies, ôsera-t-on nier que le despotisme le plus violent ne convienne mieux au sujet que la plus entière indépendance ? et si vous m’accordez ce point que je crois impossible à refuser, me blâmerez-vous de tout entreprendre pour