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torial, si je l’eusse cru, non pas le meilleur, je savais bien qu’il était le plus vicieux, mais s’il eût été le plus fort ; il m’était démontré qu’il ne l’était pas, je le trahis. Ce rôle, me dira-t-on, était infâme : soit. Mais que m’importait l’infamie, dès que mon bonheur ou ma sûreté se trouvait à ma trahison. L’homme n’est né que pour travailler à sa félicité sur la terre ; toutes les vaines considérations qui s’y opposent, tous les préjugés qui l’entravent, sont faits pour être foulés aux pieds par lui, car ce n’est pas l’estime des autres qui le rendra heureux, il ne le sera que par sa propre opinion, et ce ne sera jamais en travaillant à sa prospérité, quelque voie qu’il prenne pour y réussir, qu’il pourra cesser de s’estimer.

Je fais demander une audience secrette à Gustave, je l’obtiens ; je lui révèle tout, je lui nomme ceux qui ont fait le serment de le détrôner, je lui jure de ne pas quitter Stockolm, qu’il n’ait prévenu ce grand évènement, et ne lui demande qu’un million pour récompense si mes avertissemens sont justes, une éternelle prison si je le trompe. La vigilance du monarque, aidée de mes avis, prévint tout ; Gustave, à cheval de