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refus que je fis à la femme du stadthouder ; avec d’autres vues que les siennes, j’eus peut-être tout accepté… Mais, mon ami, me dit Emma, je ne vois point d’accord dans tes principes ; tu es tyran, et tu détestes la tyrannie ; le despotisme respire dans tes goûts, dans ton cœur, dans ton imagination et tu te déchaînes contre ses maximes ; explique-moi ces contradictions, ou je refuse de te suivre. Emma, dis-je à mon amie, je ne te veux montrer ici que de la pénétration ; souviens-toi de ce que je vais t’annoncer : ce n’est point par horreur pour la tyrannie que le sénat de Suède est prêt à s’armer contre son souverain, c’est par la jalousie qu’il a de voir ce despotisme en d’autres mains que les siennes ; une fois que le pouvoir sera dans ses mains, sois assurée qu’il ne détestera plus le despotisme, et qu’il l’emploiera au contraire à perfectionner son bonheur. En acceptant la proposition de Steno, je joue le même rôle que lui, et comme lui je ne veux pas briser le sceptre, mais m’en servir. Souviens-toi que je quitte cette société à l’instant où je croirai la voir animée par d’autres principes ; ne m’accuse donc plus de contradiction, Emma, n’en accuse pas