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long-tems la servait dans tous ses désordres.

À peine connaissais-je Aglaé, seulement alors je l’examinai avec beaucoup plus d’attention ; il n’y avait rien au monde de si joli que cette jeune personne ; il régnait autant d’agrémens que de délicatesse dans ses formes ; sa peau était d’une blancheur et d’une finesse incroyables, de grands yeux bleus, qui ne demandaient qu’à s’animer, les plus belles dents, les plus beaux cheveux blonds, mais tout cela flottait sans art ; Aglaé n’était pas pétrie par les grâces, elle n’en était que caressée : vous n’imaginez pas l’impression que me fit cette jeune personne, aucune femme, depuis bien long-tems, ne m’avait émue avec autant de force ; une idée me vint aussitôt, changeons de victime, me dis-je ; le fidéi-commis dont me charge la comtesse, n’est-il pas son arrêt de mort ; si j’ai bien sincèrement, comme je l’éprouve, le desir de voler cet argent, ne dois-je pas attenter tout de suite aux jours de celle qui me le confie ; je viens ici pour commettre des crimes, celui qui termine les jours de la fille ne satisfait que mon libertinage, celui qui tranchera les jours de la mère échauffera