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crime n’est pas le fléau de la terre, puisque rendant malheureuse la moitié des individus qui l’habitent, il rend très-heureuse l’autre moitié ; le crime n’est autre chose que le moyen dont la nature se sert pour arriver à ses desseins sur nous, et pour maintenir l’équilibre si nécessaire au maintien de ses opérations. Ce seul exposé suffit à faire voir qu’il n’appartient pas à l’homme de le punir, d’abord parce qu’il est utile, et secondement parce qu’il appartient à la nature qui a tous droits sur nous, et sur laquelle nous n’en avons aucun. Si, sous un autre rapport, le crime est la suite des passions, et que les passions, ainsi que je viens de le dire, doivent être regardées comme le seul ressort des grandes actions, vous devez toujours préférer le crime qui donnera de l’énergie à votre gouvernement, aux vertus qui en rouilleront les ressorts : de ce moment, vous ne devez plus sévir contre les crimes ; vous devez au contraire les encourager, et laisser les vertus dans l’ombre, où le mépris que vous leur devez doit les ensevelir à jamais. Gardons-nous, sans doute, de confondre ici les grandes actions avec les vertus : très-souvent une vertu n’est rien moins qu’une