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Pierre ne sera injuste envers Paul, quand il saura que Paul peut à l’instant se venger de son injustice ; mais il le deviendra, s’il sait qu’il n’a plus à craindre que des loix qu’il peut éluder, ou auxquelles il peut se soustraire. Je vais plus loin, je vous accorde que sans loix, la somme des crimes s’étendit, que sans loix l’univers ne fut plus qu’un volcan, dont d’exécrables forfaits, jailliraient à chaque minute. Il y aurait encore moins d’inconvéniens dans cet état de lésions perpétuelles ; il y en aurait beaucoup moins, sans doute, que sous l’empire des loix ; car souvent la loi frappe l’innocent, et à la masse des victimes, produites par le criminel, il doit se joindre encore celle produite par l’iniquité de la loi ; vous aurez ces victimes-là de moins dans l’anarchie : sans doute vous aurez celle que le crime sacrifie ; mais vous n’aurez pas celle qu’immole l’iniquité de la loi ; car l’opprimé, ayant le droit de se venger lui-même, ne punira bien certainement que son oppresseur ; — mais l’anarchie, ouvrant la porte à l’arbitraire, est nécessairement la cruelle image du despotisme. — Autre erreur, c’est l’abus de la loi qui mène au despotisme ;