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un empire ? — Non : rendus à l’état de nature, les hommes, je le soutiens, seraient plus heureux qu’ils ne peuvent l’être sous le joug absurde des loix. Je ne veux pas que l’homme renonce à aucune portion de sa force et de sa puissance ; il n’a nullement besoin des loix pour se faire justice, la nature a placé dans lui l’instinct et l’énergie nécessaire pour se la procurer lui-même ; et celle qu’il se fera, sera toujours plus prompte et plus active que celle qu’il peut espérer de la main langoureuse de l’homme ; parce que dans l’acte de cette justice, il ne considérera que son propre intérêt, et la lésion qu’il aura reçue ; au lieu que les loix d’un peuple ne sont jamais que la masse et le résultat des intérêts de tous les législateurs, qui ont coopéré à l’érection de ces loix. — Mais vous serez opprimé sous les loix ? — Que m’importe d’être opprimé, si j’ai le droit de le rendre ; j’aime mieux être opprimé par mon voisin, que je puis opprimer à mon tour, que de l’être par la loi, contre laquelle je n’ai nulle puissance. Les passions de mon voisin, sont infiniment moins à craindre que l’injustice de la loi ; car les passions de ce voisin, sont contenues