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fonde vertu. Libertine, impie, bisarre dans ses goûts, et jolie comme un ange, Salviati aimait tout ce qu’on peut aimer ; mais une de ses manies favorites était de s’emparer des jeunes mariées, pour les entraîner avec elles dans les écarts où elle se plongeait mystérieusement. La coquine ne me manqua pas : son air prude, son hypocrisie, ses liaisons, quelques appartenances à ma mère, tout lui fournit bientôt les moyens de se rapprocher de moi, et notre liaison devint si étroite que nous nous branlâmes dès le huitième jour. La scène se passait en villégiature[1] chez le cardinal Orsini où nous nous trouvions l’une et l’autre dans les environs de Tivoli ; nos époux y étaient. Le mien ne m’embarrassait guères : vieux et froid, à ce que je croyais alors, Grillo semblant ne m’avoir épousé que pour mon bien, ne gênait nullement mes plaisirs. Celui de la marquise, quoique très-libertin, ne lui laissait pas une oisiveté si complette ; il en exigeait des choses aussi fatiguantes que singulières ; obligée de coucher toutes les nuits dans sa chambre,

  1. C’est ainsi que les Romains nommaient leurs voyages à la campagne.