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avait pas six pouces de séparation ; un de ses bras coupés lui servait de ceinture, et elle avait trois poignards dans le cœur. Le trouble d’Agnès fut extrême, mais elle lie faiblit point ; un désordre incroyable altérait sa figure ; et je ne la voyais point changer de couleur ; elle considère un instant cet affreux spectacle, puis tournant ses beaux yeux vers moi : oh ! madame, me dit-elle, est-ce vous qui avez fait cela ? — Moi-même. — Quels étaient donc les torts de cette malheureuse ? — Je ne lui en connais point ; faut-il donc des prétextes pour commettre un crime ? m’en faudra-t-il pour vous immoler moi-même tout-à-l’heure : Agnès s’évanouit à ces mots, et je restai entre mes deux victimes, l’une déjà sous la faulx de la mort, l’autre prête à en ressentir les coups. O mon amie, poursuivit la princesse fortement échauffée de son récit, comme ces voluptés sont fortes ! À peine l’organisation peut-elle suffire à leurs violentes secousses ? À quel point leurs détails sont entraînans ! Leur ivresse est au-dessus de tous les pinceaux, il faut l’avoir éprouvée pour la comprendre ; faire là, toute seule avec deux victimes, tout ce qui peut vous passer par