Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tu venges l’innocence ; voilà comme tu fais triompher ceux de tes enfans qui te servent le mieux, en pratiquant sur la terre, cette vertu dont tes attributs sont l’image. Je vole le cardinal, sa nièce le fuit pour éviter de servir au crime où il la destine, je jouis de mon forfait ; elle périt sur un échafaud : être saint et sublime, voilà comme tu conduis les hommes ; n’est-il pas bien juste qu’ils t’adorent.

Au travers de tous mes désordres, la charmante duchesse de Grillo ne me sortait pas de la tête ; à peine âgée de vingt ans, Honorine Grillo, mariée depuis dix-huit mois à un homme de soixante ans, qu’elle détestait, se trouvait encore aussi vierge avec ce vieux faune, qu’à l’époque où sa mère la sortit du couvent des Ursulines, à Bologne pour la lui livrer. Ce n’était pas que le vieux Duc ne fit ses efforts pour triompher des résistances de sa femme ; mais abhorré par elle, il n’avait encore pu les vaincre. Je n’avais été que deux fois chez la duchesse, la première en visite de cérémonie, pour lui présenter mes lettres de recommandation ; la seconde pour jouir un peu plus long-tems de l’inconcevable plaisir que sa société me