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persuadée de n’être pas plus malheureuse ; après ma vie, que je ne l’étais avant que de naître, il me semble que je rendrai mon corps à la terre, avec le même calme… le même sang froid, que je l’ai reçu. Et qui produit en vous cette tranquillité, dit Bernis ! c’est le mépris profond que vous avez toujours eu pour les balivernes religieuses, un seul retour vers elle vous eût perdue. On ne saurait donc les fouler aux pieds de trop bonne heure. Cela est-il aussi facile que l’on le pense, dit Olimpe ? Cela est aisé, dit Albani ; mais c’est par la racine qu’il faut couper l’arbre ; si vous ne travaillez qu’à l’extirpation des branches, il renaîtra toujours des bourgeons : c’est dans la jeunesse qu’il faut s’occuper de détruire avec énergie, les préjugés inculqués dès l’enfance ; et c’est le plus enraciné de tous qu’il faut impitoyablement combattre ; c’est ce Dieu vain et chimérique dont il faut absorber l’existence. Je me garderais bien, dit Bernis, de mettre cette opération au rang de celles qui doivent donner le plus de peine à une jeune personne, parce que cette opinion déifique, ne peut Se soutenir un quart-d’heure dans un bon esprit.