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« Avant que de me condamner sur l’action que je commets, parce que vous voyez à cette action un vernis d’injustice, il faudrait, ce me semble, mieux assoir ses combinaisons sur ce qu’on entend par juste et par injuste ; or, si vous réfléchissez bien sur les idées que donnent ces mots, vous reconnaîtrez qu’elles ne sont absolument que relatives, et qu’elles n’ont intrinsèquement rien de réel ; semblables aux idées de vice et de vertu elles sont purement locales et géographiques, en sorte que tout comme ce qui est vicieux à Paris, se trouve une vertu à Pékin, de même ce qui est juste à Ispahan, devient injuste à Copenhague. Les loix d’un pays, les intérêts d’un particulier, voilà les seules bases de la justice ; mais ces lois sont relatives aux mœurs du gouvernement où elles existent, et ces intérêts le sont aussi au physique du particulier qui les a ; ensorte que l’égoïsme, comme vous le voyez, est ici la seule règle du juste ou de l’injuste, et qu’il sera très-juste, suivant telle loi de faire mourir un particulier en ce pays-ci, pour une action qui lui aurait valu des couronnes ailleurs ; tout comme tel intérêt particulier trouvera juste une action, qui, néanmoins,