Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connue ; pourquoi ne vivra-t-il pas tout de même après ? Comment l’infidélité de cette femme pourrait-elle le troubler en quoique ce puisse être ? En prodiguant ses faveurs à un autre, enlève-t-elle quelque chose à son amant ? il a eu son tour, de quoi se plaint-il ? pourquoi un autre ne l’aurait-il pas de même ; et que perdra-t-il en cette créature qu’il ne puisse aussi-tôt retrouver dans un autre ? Si elle le trompe d’ailleurs pour un rival, elle peut de même tromper ce rival pour lui ; ce second amant ne sera donc pas plus aimé que le premier ; pourquoi, d’après cela, sera-t-il jaloux, puisqu’ils ne sont pas mieux traités l’un que l’autre ? Ces regrets seraient tout au plus pardonnables, si cette femme chérie était unique dans le monde ; ils sont extravagans, dès que cette perte est réparable. Me mettant un instant ici à la place de ce premier amant ; qu’a-t-elle donc cette créature, je vous prie, pour occasionner ainsi mes douleurs ? un peu d’attention sur moi-même, quelques retours sur mes sentimens ; l’illusion seule leur prêtait de la force, c’est le desir de posséder cette femme ; c’est la curiosité qui l’embellissait à mes yeux, et