Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éternellement l’envelopper dans un océan de malheurs. S’il est vrai que l’univers soit créé et gouverné par un être infiniment puissant, infiniment sage, il faut absolument que tout concoure à ses vues, et tourne au plus grand bien. Or, quel bien peut-il résulter, pour le plus grand avantage de l’univers, qu’une créature faible et malheureuse soit éternellement tourmentée pour des fautes qui n’ont jamais dépendu d’elle.

Si la multitude des pécheurs, des infidèles, des incrédules, était réellement destinée à souffrir des tourmens cruels et sans fin, quelle horrible scène de misère pour la race humaine ! des milliards d’hommes seraient donc impitoyablement sacrifiés à des supplices infinis ; ce serait en effet pour lors que le sort d’un être sensible et raisonnable tel que l’homme, serait vraiment horrible : quoi ! ce n’est point assez des chagrins auxquels il est condamné dans cette vie, il lui faudrait redouter encore des peines et des tourmens affreux, quand il aurait fini sa carrière ; quelle horreur ! quelle exécration ! Comment de telles idées peuvent-elles entrer dans l’esprit humain, et comment ne pas se convaincre qu’elles n’y sont le fruit que de