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ou de la bonté. D’après les notions de la théologie, il paraît évident que Dieu n’a créé le plus grand nombre des hommes, que dans la vue de les mettre à portée d’encourir des supplices éternels. N’eût-il donc pas été plus conforme à la bonté, à la raison, à l’équité, de ne créer que des pierres et des plantes, que de former des hommes, dont la conduite pourrait attirer sur eux des châtimens sans fin. Un Dieu assez perfide, assez méchant, pour créer un seul homme, et pour le laisser exposé ensuite au péril de se damner, ne peut être regardé comme un être parfait ; il ne doit l’être que comme un monstre de déraison, d’injustice, de malice et d’atrocités. Bien loin de composer un Dieu parfait, les théologiens n’ont donc formé que la plus dégoûtante chimère ; et ils ont achevé de dégrader leur ouvrage, en prêtant à cet abominable Dieu, l’invention de l’éternité des peines. La cruauté, qui fait nos plaisirs, a des motifs au moins ; ces motifs s’expliquent, et nous les connaissons ; mais Dieu n’en avait aucun, en tourmentant les victimes de sa colère, car il ne saurait punir des êtres qui n’ont pu réellement, ni