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les cœurs ; développes-toi, et l’univers à genoux détournerait à l’instant tout ce qui pourrait déplacer ou flétrir sa plus chère idole ; l’amour lui-même alors, te servirait d’égide, il enflâmerait tous les cœurs, et tu ne trouverais que des amans où d’autres auraient à redouter des juges ; c’est à l’être isolé… sans fortune… sans soutien… sans considération, à frémir sous ces freins populaires, ils ne sont faits que pour lui seul. Mais toi, Juliette, ah ! bouleverse la nature entière… trouble, détruis, arrache ; le monde adorera sa divinité dans toi, quand tu laisseras découler sur lui quelques bienfaits ; il te craindra si tu l’écrase, mais tu seras toujours son Dieu.

Livre-toi Juliette, livre-toi sans crainte à l’impétuosité de tes goûts, à la savante irrégularité de tes caprices, à la fougue ardente de tes desirs ; échauffe-moi de leurs écarts, enivre moi de tes plaisirs ; n’ais jamais qu’eux seuls pour guide et pour loix ; que ta voluptueuse imagination varie nos désordres ; ce n’est qu’en les multipliant que nous atteindrons le bonheur. Naturellement inconstant et léger, il ne comble jamais de ses dons que celui qui sait l’enchaî-