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qu’une existence objective, ne saurait être hors de l’esprit de ceux qui le considèrent, et n’est par conséquent qu’un pur effet de l’embrâsement de leur cerveau. Voilà pourtant le Dieu des mortels, voilà l’être abominable qu’ils ont inventé, et dans les temples duquel ils ont fait couler tant de sang.

Si je me suis étendue, poursuivit madame Delbène, sur les différences essentielles entre les existences réelles et les existences objectives, c’est, tu le vois, ma chère, parce qu’il était urgent que je te démontrasse les variétés qui se trouvent dans les opinions pratiques et spéculatives des hommes, et que je te fisse voir qu’ils donnent une existence réelle à beaucoup de choses qui n’ont qu’une existence spéculative. Or, c’est au produit de cette existence spéculative que les hommes ont donné le nom de Dieu ; s’il ne résultait de tout cela que de faux raisonnemens, l’inconvénient serait médiocre ; mais malheureusement on va plus loin ; l’imagination s’enflamme, l’habitude se forme, et l’on s’accoutume à considérer comme quelque chose de réel ce qui n’est l’ouvrage que de notre faiblesse. On ne s’est pas plutôt persuadé que la volonté de cet être chi-