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divertit, s’en amuse, ou le détruit, il sert la nature ; mais, je le répète, s’il l’aide au contraire, s’il l’égalise à lui, en lui prêtant une partie de ses forces, ou l’étayant d’une portion de son autorité, il détruit nécessairement alors l’ordre de la nature, il pervertit la loi générale, d’où il résulte que la pitié, bien loin d’être une vertu, devient un vice réel, dès qu’elle nous entraîne à troubler une inégalité exigée par les loix de la nature ; et que les philosophes anciens, qui la regardaient comme une faiblesse de l’ame, comme une de ses maladies dont il fallait promptement se guérir, n’avaient pas tort, puisqu’en voilà les effets diamétralement opposés aux loix de la nature, dont les différences et les inégalités sont les premières bases[1]. Le prétendu fil de fraternité ne peut donc avoir été imaginé que par le faible ; car il n’est pas naturel que le plus fort, qui

  1. Aristote, dans son Art poétique, veut que le but et le travail du poëte soit de nous guérir de la crainte et de la pitié, qu’il regarde comme la source de tous les maux de l’homme ; on pourrait même ajouter de tous ses vices.