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l’ai-je pris ? Ainsi l’action vertueuse aura pu donner naissance aux remords, et la mauvaise l’éteint nécessairement par sa constitution. En un mot, la vertu ne peut jamais procurer qu’un bonheur phantastique ; il n’y a de véritable félicité que dans les sens, et la vertu n’en flatte aucun. Est-ce d’ailleurs à la vertu que l’on attache les places, les honneurs, les richesses ; ne voyons-nous pas tous les jours le méchant comblé de prospérité, et l’homme de bien, languir dans les fers. S’attendre à voir la vertu récompensée dans l’autre monde, est une chimère qui n’est plus admissible ; de quoi sert donc le culte d’une divinité fausse… tirannique… égoïste presque ; toujours vicieuse elle-même, (je l’ai prouvé) qui n’accorde aucun bien à ceux qui la servent actuellement, et qui n’en promet dans l’avenir que d’impossibles ou de trompeurs ? Il y a du danger, d’ailleurs à vouloir être vertueux dans un siècle corrompu ; cette singularité seule nuit au bonheur qu’on pourrait attendre de la vertu, et il vaut absolument mieux être vicieux avec tout le monde, que d’être honnête homme tout seul. Il y a si loin de la manière dont on vit, à celle dont