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lui fais part de mon projet, je t’accuserai seule ; et tu ne doutes pas que je ne l’emportes par la confiance qu’il eut toujours en moi. Réfléchis bien avant que de me répondre : cet homme est un scélérat, donc en l’assassinant nous ne faisons que servir les loix desquelles il a mérité la rigueur. Il n’y a pas de jour, mon enfant, où ce coquin ne massacre une fille : est-ce donc outrager la vertu que de punir le crime, et la proposition raisonnable que je te fais alarmera-t-elle encore tes farouches principes ?… N’en doutez pas, madame, répondit Justine, ce n’est pas dans la vue de corriger le crime que vous me proposez cette action, c’est dans le seul motif d’en commettre un vous-même : il ne peut donc y avoir qu’un très-grand mal à faire ce que vous dites, et nulle apparence de légitimité. Il y a mieux, n’eussiez-vous même pour dessein que de venger l’humanité des horreurs de cet homme, vous feriez encore mal de l’entreprendre, ce soin ne vous regarde pas ; les loix sont faites pour punir les coupables, laissons-les agir ; ce n’est pas à nos faibles mains que l’Être Éternel a confié leur glaive ; nous ne nous en servirions pas sans les outrager elles-mêmes. — Rien de si grossier que ton