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du service qu’on veut bien lui rendre ; il s’intéresse aux malheurs de Justine, et lui propose de les adoucir par le don de sa main. — Je suis trop heureux de pouvoir réparer les torts que la fortune a envers vous, mademoiselle, lui dit-il ; je suis mon maître ; je ne dépends de qui que ce soit ; je passe à Genêve, pour le placement des sommes considérables que vos bons avis me sauvent ; vous m’y suivrez : en arrivant, je deviens votre époux, et vous ne paraissez à Lyon que sous ce titre ; ou, si vous l’aimez mieux, mademoiselle, si vous avez quelque défiance, ce ne sera que dans ma patrie même que je vous donnerai mon nom.

Une telle offre flattait trop Justine pour qu’elle osât la refuser ; mais il ne lui convenait pas non plus de l’accepter, sans faire sentir à Dubreuil tout ce qui pourrait l’en faire repentir. Il lui sut gré de sa délicatesse, et ne la pressa qu’avec plus d’instance. O créature infortunée ! fallait-il que le bonheur ne s’offrît à toi que pour te pénétrer plus vivement du chagrin de ne pouvoir jamais le saisir !… fallait-il donc qu’aucune vertu ne pût naître en ton cœur, sans te préparer des tourmens !

On se trouvait, toujours causant, presqu’à