Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, le meurtre ; près de la sensibilité, les larmes ; près de la sagesse, toutes les maladies de la continence ; dans quelle situation affreuse vous met-elle, en un mot, puisque le dégoût de la vie devient tel en votre ame, qu’il n’est pas un seul homme qui voulût recommencer à vivre, si on le lui offrait le jour de sa mort ? Oui, mon ami, oui, j’abhorre la nature, et c’est parce que je la connais bien que je la déteste ; instruit de ces affreux secrets, je me suis replié sur moi-même, et j’ai senti (Voilà ma réponse à votre seconde question.), j’ai éprouvé une sorte de plaisir indicible à copier ses noirceurs : eh bien, ai-je continué de me dire, est-ce un être assez méprisable, assez odieux que celui qui ne me donna le jour que pour me faire trouver du plaisir à tout ce qui nuit à mes semblables ? Eh quoi ! (J’avais seize ans alors.) à peine suis-je sorti du berceau de ce monstre, qu’elle m’entraîne aux mêmes horreurs que celles qui la délectent elle-même ! Ce n’est plus corruption ici : à peine suis-je né ; c’est inclination, c’est penchant ; sa main barbare ne sait donc paitrir que le mal, le mal la divertit donc ; et j’aimerais une mère semblable ! Non ; je l’imiterai, mais en la détestant ; je la copierai,