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fausses idées que nous avons des créatures qui nous environnent, sont encore la source d’une infinité de jugemens erronés en morale ; nous nous forgeons des devoirs chimériques envers ces créatures, et cela, parce qu’elles s’en croyent vis-à-vis de nous. Ayons la force de renoncer à ce que nous attendons des autres, et nos devoirs vis-à-vis d’eux s’anéantiront aussi-tôt. Que sont, je vous le demande, toutes les créatures de la terre vis-à-vis d’un seul de nos desirs ? Et par quelle raison me priverai-je du plus léger de ces desirs pour plaire à une créature qui ne m’est rien, et qui ne m’intéresse en rien ? Si j’en redoute quelque chose, assurément je dois la ménager, non pour elle, mais pour moi, parce qu’en général ce ne doit jamais être que pour moi que je dois agir dans le monde ; mais si je n’ai rien à en appréhender, je dois bien certainement en tirer tout ce que je puis pour améliorer mes plaisirs, et ne les considérer toutes que comme des êtres purement créés pour les servir[1]. La morale, je le répète,

  1. Ce ne sont ici que les bases de principes bien autrement développés dans la suite de cet ouvrage.