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mortel, allez, voilà le voluptueux boudoir que vous avez desiré, usez-en avec profusion, grugez-y autant de jolis objets que j’en dévorai dans le même en huit ans, et je ne me repentirai pas de vous l’avoir fait obtenir.

L’enthousiasme dans lequel me mettait ce nouveau grade, fut tel, que je n’en dormis pas de la nuit. Le lendemain, dès la pointe du jour, j’étais à mon poste, et comme nous étions dans la quinzaine de Pâques, ma matinée ne fut pas mauvaise ; je ne vous ennuyerai pas de toutes les balivernes dont il me fallut essuyer le déluge ; je ne fixerai votre attention que sur une jeune fille de quatorze ans, nommée Frosine, noble, et d’une si délicieuse figure, qu’elle ne pouvait se montrer que voilée, pour éviter la foule dont elle était pressée chaque fois qu’elle s’offrait à découvert. Frosine se livra à moi avec toute la candeur et l’aménité de son âge ; son cœur n’avait encore rien dit, quoi qu’aucune fille à Messine ne fût environnée de tant d’adorateurs ; mais son tempérament commençait à se faire entendre : très-jeune et très-neuve encore, je fis si bien par mes questions, que je lui appris tout ce qu’elle ignorait. Vous souffrez, ma belle enfant, lui dis-je avec componction, je le vois ;