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comme il nous sert dans nos maladies, comme il nous console dans nos afflictions ; que de délicatesse il met à soulager nos maux ; que d’art à détourner, s’il peut, les calamités qui nous assiègent ; que d’empressement à sécher nos larmes… Et vous ne chérissez pas, vous n’adorez pas des êtres ; aussi parfaits ?… de si tendres amies données par la nature ? Non, je ne les chéris ni les adore ; je reste ferme au sein de l’illusion, et ma sagesse sait y résister ; je ne vois que de la faiblesse, de la peur et de l’égoïsme dans tout ce que vous venez de me vanter. Si, comme la louve ou la chienne la femme allaite son fruit, c’est que cette secrétion, qui lui est dictée par la nature, devient indispensable à sa santé ; si elle nous est utile dans les différens maux que nous venons de peindre, c’est par tempérament bien plus que par vertu ; c’est par orgueil ou par amour d’elle-même. Ne nous surprenons pas de ses motifs : la faiblesse de ses organes la rendant plus propre que nous au sentiment pusillanime de la pitié, la porte machinalement, et sans qu’elle y ait aucun mérite, à plaindre et à consoler les maux qu’elle voit, et sa poltronerie naturelle l’engage à donner à celui qui est plus fort qu’elle,