Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serais-je pas une dupe d’avoir de la pitié pour un être auquel je ne dois jamais en inspirer ? dois-je pleurer la mort du poulet que l’on égorge pour mon dîner ? Cet individu, trop au-dessous du mien, n’ayant aucune relation avec le mien, ne peut faire naître en mon cœur aucun sentiment. Or, les rapports de l’épouse avec le mari ne sont pas d’une conséquence différente que celle du poulet avec moi. L’un et l’autre sont des bêtes de ménage, dont il faut se servir, d’après les vues indiquées par la nature, sans les différencier en quoi que ce puisse être. Mais, je vous le demande, mesdames, si l’intention de la nature était que votre sexe fût créé pour le bonheur du nôtre, et vice versa, aurait-elle fait, cette nature aveugle, tant d’inepties dans la construction de l’un et de l’autre de ces sexes ? leur eût-elle prêté des torts si graves, que l’éloignement et l’antipathie mutuelle en dussent nécessairement résulter ? Sans aller chercher plus loin des exemples, avec l’organisation que vous me connaissez, dites-moi, je vous prie, mes amis, quelle est la femme que je pourrais rendre heureuse ? et, reversiblement, quel homme pourra trouver douce la jouissance d’une femme, quand il ne sera pas pourvu des gi-