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La nécessité de se rendre mutuellement tels ne peut exister, vous en conviendrez, qu’entre deux êtres également pourvus de la faculté de se nuire, et par conséquent entre deux êtres d’une même force. Une telle association ne saurait avoir lieu, qu’il ne se forme aussi-tôt un pacte entre ces deux êtres, de ne faire, chacun vis-à-vis l’un de l’autre, que la sorte d’usage de leur force qui ne peut nuire à aucun des deux ; mais cette ridicule convention ne saurait assurément exister entre l’être fort et l’être faible. De quel droit ce dernier exigera-t-il que l’autre le ménage ? et par quelle imbécillité le premier s’y engagerait-il ? Je puis consentir à ne pas faire usage de mes forces avec celui qui peut se faire redouter par les siennes : mais par quel motif en amoindriré-je les effets avec l’être que m’asservit la nature ? me répondrez-vous ? par pitié. Ce sentiment n’est compatible qu’avec l’être qui me ressemble ; et, comme il est égoïste, son effet n’a lieu qu’aux conditions tacites que l’individu qui m’inspirera de la commisération en aura de même à mon égard. Mais si je l’emporte constamment sur lui par ma supériorité, sa commisération me devenant inutile, je ne dois jamais l’acheter par aucun sacrifice. Ne