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rais encore. — Je le conçois, dit Gernande, personne n’adopte comme moi le sentiment qui fait prendre et qui fait conserver. Je nagerais dans des flots d’or, que je ne ferais pas un sou d’aumône ; et, qu’excepté pour mes plaisirs, je ne me permettrais pas le plus léger écart. Vous connaissez mon bien, vous savez mes dépenses… eh bien, regardez mon habit, il y a vingt ans que je le porte… j’ai le semblable, qui me conduira, j’espère, au tombeau. Ainsi donc, dit Bressac, vous voulez, mon cher oncle, mériter à juste titre le beau nom de Fesse-Mathieu. Mais, dit Gernande, si, quoique par d’autres principes, ta mère n’eût pas été aussi avare que moi, serais-tu si riche aujourd’hui ? — Ne lui parlez pas de cette circonstance de sa vie, dit d’Esterval, vous le feriez rougir. — Il aurait, par-Dieu, bien tort, dit Gernande ; il n’a fait que la chose du monde la plus simple en tuant sa mère. On est pressé de jouir, rien de si naturel ; c’était, d’ailleurs, une femme acariâtre, dévote, impérieuse, il la détestait, rien de plus ordinaire. Tenez, il hérite de moi ; eh bien, je gage que ma vie ne l’impatiente point : j’ai les mêmes goûts, la même façon de penser ; il est sûr de trouver un ami