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à moins d’un million par an. — Monsieur, dit d’Esterval, je ne l’ai pas, et cependant je vis. — Eh bien, oui ; mais vous vous êtes soumis à un genre de vie qui n’exige rien, et le métier que vous faites doit grossir vos fonds tous les jours. Je ne connais rien de délicieux comme la carrière que vous avez entrepris ; si j’étais plus jeune, je n’en suivrais sûrement pas d’autres. Eh bien, je parie qu’avec cela et votre patrimoine, vous vous faites au moins cinq ou six cent mille livres de rente. — À-peu-près. — Vous voyez donc que nous voilà tous riches ici, et que notre façon de penser, nos goûts, nos intérêts doivent absolument se ressembler. — Ah ! reprit d’Esterval, j’ai le malheur d’être insatiable ; et c’est encore bien plus par avarice que par libertinage, que vous me voyez suivre le métier que je fais. — Il est certain que vous pourriez vous en passer. — Je n’existerais pas sans cette délicieuse habitude. J’aime à voir augmenter ma fortune tous les jours, et j’adore l’idée de l’aggrandir aux dépens de celle des autres. Je tue par principes de débauche… à cause de la férocité de mon libertinage ; mais ce n’est que par cupidité que je vole ; et, j’aurais des millions de revenu, qu’il me semble que je vole-