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chercher dans les bras de l’Être-Suprême, un repos que les hommes m’ont aussi cruellement refusé dans le monde. Eh ! qu’avais-je fait, grand Dieu ! pour ne pas jouir de ce repos ? Je n’ai jamais desiré le moindre mal à personne, j’aime mon prochain, je respecte ma religion, je suis enthousiaste de la vertu ; l’un de mes plus grands tourmens dans l’affreuse position où je suis, est l’impossibilité dans laquelle on me tient de pouvoir être utile à personne… Et des larmes accompagnaient ce discours. Nos lecteurs imaginent facilement ici que celles de Justine s’y seraient bientôt mêlées, si elle n’eût eu le plus grand intérêt à déguiser son trouble : mais elle se jura bien, de ce moment, d’exposer plutôt mille vies, que de ne pas tout faire pour une femme dont les sentimens et les malheurs paraissaient si semblables aux siens.

C’était l’instant du dîner de la comtesse. Les deux vieilles vinrent avertir Justine de la faire passer dans son cabinet, parce qu’il ne fallait pas même que ces vieilles pussent avoir de correspondance avec elle. Madame de Gernande, habituée à toutes ces précautions, s’y soumit sans difficulté, et le dîner fut servi. Peu après la comtesse repassa, se