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goûts que moi, doivent, de ce moment, excuser les miens. Je la fais donc passer pour folle ; et sa mère, le seul individu qui lui reste au monde, demeurant dans son château, à six lieues d’ici, est tellement convaincue de cette idée, qu’elle n’ose même la venir voir. La comtesse implore bien souvent sa grace ; il n’est rien qu’elle ne fasse pour m’attendrir, mais elle n’y réussira jamais. Ma luxure a dicté sa sentence, elle est invariable, elle ira de cette manière tant qu’elle pourra ; rien ne lui manquera pendant sa vie, et, comme j’aime à l’épuiser, je la soutiendrai le plus long-tems possible… quand elle n’y pourra plus tenir… à la bonne heure… C’est ma quatrième ; j’en aurai bientôt une cinquième, une sixième… une vingtième ; rien ne m’inquiète moins que le sort d’une femme : il y en a tant dans le monde ! et il est si doux d’en changer ! Quoiqu’il en soit, Justine, votre emploi est de la soigner. Elle perd régulièrement deux palettes de sang, tous les quatre jours ; mais l’habitude lui prête des forces ; elle ne s’évanouit plus maintenant ; son épuisement dure vingt-quatre heures ; elle est assez bien les trois autres jours. Vous devez comprendre, néanmoins, que cette vie lui déplaît souveraine-