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de beaucoup de crimes, sans participer à aucun ; vous les partagerez tous ici, sans pouvoir vous en empêcher ; vous y coopérerez librement ; vous serez obligée d’y participer, et sans qu’on vous y contraigne autrement que par des chaînes morales et par vos vertus. Monsieur ! monsieur ! s’écria la bonne Justine, oh monsieur ! êtes-vous donc sorcier ? Non, reprit d’Esterval, je ne suis qu’un scélérat, assez singulier sans doute, mais dont les penchans et les crimes n’ont rien de plus particulier que ceux de beaucoup de gens, qui parcourent comme moi la carrière des vices, par des moyens semblables au fond, mais différens pourtant par les formes. Je suis scélérat par libertinage ; assez riche pour me passer du métier que je fais, je ne l’exerce que pour l’intérêt de mes passions ; elles s’en irritent si prodigieusement, que je ne bande uniquement qu’aux actions du vol et du meurtre ; elles seules ont l’art de m’enflammer. Aucune autre espèce de préliminaire ne déterminerait en moi la situation utile à la jouissance : je n’ai pas plutôt commis l’un ou l’autre de ces crimes que mon sang bouillonne, que mon vit dresse, et qu’il me faut absolument des femmes. La mienne alors ne me suffisant