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O Justine ! quel saisissement s’empara de ton ame en entendant ainsi prononcer ta sentence ! malheureuse fille ! peu s’en fallut que tu n’eus plus la force de faire un pas. Recueillant néanmoins toute son énergie, elle se hâte, et continue de tourner jusqu’à ce qu’elle se trouve à l’extrémité du souterrain ; ne rencontrant point de brèche, elle se résout d’en faire une ; elle avait conservé le ciseau dont nous avons parlé ; munie de cette arme, elle travaille ; ses mains se déchirent, rien ne l’arrête ; la haie avait plus de deux pieds d’épaisseur ; elle l’entrouvre ; la voilà dans la seconde allée. Quel est alors son étonnement de ne sentir à ses pieds qu’une terre molle et flexible, dans laquelle on enfonce jusqu’à la cheville ? Plus elle avance, plus l’obscurité devient profonde. Curieuse de connaître la cause de ce changement du sol, elle tâte : juste ciel ! c’est la tête d’un cadavre qu’elle saisit ! Grand Dieu ! s’écrie-t-elle épouvantée, tel est ici, sans doute, on me l’avait bien dit, le cimetière où ces bourreaux jettent leurs victimes ; à peine prennent-ils le soin de les couvrir de terre. Ce crâne est peut-être celui de ma chère Omphale, ou celui de cette malheureuse Octavie, si belle… si douce… si bonne, et qui n’a