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reille question peut-elle se faire raisonnablement ? Or, si l’égoïsme est la première loi de la raison et de la nature ; si, bien décidément, nous ne vivons et n’existons que pour nous, nous ne devons donc avoir de sacré que ce qui nous délecte. Tout ce qui s’écarte de là est faux, sujet à l’erreur, et seulement fait pour être méprisé de nous. J’entends quelquefois dire que le crime est dangereux à l’homme : je voudrais bien que l’on m’expliquât comment ? Me dira-t-on qu’il l’est, parce qu’il viole les droits d’autrui ? Mais toutes les fois qu’il reste aux autres celui de se venger, il me semble que voilà l’égalité des droits rétablie : de ce moment, le crime ne viole donc plus rien. Il est inoui comme les éternels sophismes de la bêtise parviennent à détruire la somme du bonheur moral des humains ! Oh ! combien tous seraient plus heureux, si tous voulaient s’entendre pour jouir ! mais la vertu se présente à eux ; ils se trompent à ses dehors séduisans ; ils se laissent égarer par elle ; et voilà toutes les bases de la félicité détruites. Bannissons donc à jamais cette perfide vertu de notre heureuse société ; détestons-là comme elle mérite de l’être ; que le mépris le plus outré et les plus sévères punitions soient toujours