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du soupçon ; et nous partîmes après une expédition qui nous avait coûté bien du foutre.

Telle est l’heureuse position où vous me voyez mes amis ; je l’avoue, j’aime le crime avec fureur, lui seul irrite mes sens, et je professerai ses maximes jusques aux derniers momens de ma vie. Exempte de toutes craintes religieuses, sachant me mettre au-dessus des loix, par ma discrétion et par mes richesses, quelle puissance, divine ou humaine, pourrait donc contraindre mes desirs ? Le passé m’encourage, le présent m’électrise, je crains peu l’avenir ; j’espère donc que le reste de ma vie surpassera de beaucoup encore tous les égaremens de ma jeunesse. La nature n’a créés les hommes que pour qu’ils s’amusent de tout sur la terre ; c’est sa plus chère loi, ce sera toujours celle de mon cœur. Tant pis pour les victimes, il en faut ; tout se détruirait dans l’univers, sans les loix profondes de l’équilibre ; ce n’est que par des forfaits que la nature se maintient, et reconquit les droits que lui enlève la vertu. Nous lui obéissons donc en nous livrant au mal ; notre résistance est le seul crime qu’elle ne doive jamais nous pardonner : oh ! mes amis, convainquons-