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amant mène la même vie, il n’a pas même encore été soupçonné. Quelques capitaines de sa troupe ont été roués, pendus, brûlés, mais jamais ils ne l’ont compromis. Cet homme, rare par son énergie, par sa perversité, par son courage, espère mener encore douze ou quinze ans le même train, et se retirer ensuite avec moi en Dalmatie, où il a acheté dernièrement des possessions superbes. C’est ainsi que nous comptons couronner la vie la plus scélérate dont aient encore été souillées les annales humaines. Voilà, ma chère, ce que j’avais à te dire ; vois si tu veux être des nôtres : dans le cas de l’acceptation, je te donne à dîner sous peu avec mon amant ; tu le verras jouir de moi, de toi-même, si tu le desires, et nous prendrons tous les trois ensuite les arrangemens nécessaires à une liaison intime. Assurément, dis-je à mon amie, tu ne pouvais rien me proposer de plus agréable. J’accepte tout, à deux conditions : la première, que si ton amant s’amuse avec moi, il me payera chef, et que ce ne sera de même qu’aux conditions d’un partage très-considérable dans ses vols, que je le servirai ; la seconde, c’est que nous partagerons dorénavant toutes