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Charlotte, accepte-tu ce que je te propose, c’est la seule façon de me convaincre des sentimens que tu me montres. O Juliette ! ajoute-t-elle, la confiance que tu me témoignes doit te valoir la mienne… et moi aussi je médite un forfait, m’y serviras-tu ? — Fallût-il y risquer mille vies, parle. — Si tu savais à quel point je suis excédée de mon mari. — Malgré ses complaisances ? — Est-ce donc pour moi qu’il fait tout cela ? Il me prostitue par libertinage… par jalousie ; il croit, en appaisant ainsi mes passions, empêcher mes desirs de naître, et il aime mieux que je sois foutue par son choix, que par le mien. — Plaisante politique. — C’est la sienne, c’est celle d’un Espagnol italiennisé, et il ne peut y avoir rien de pis dans le monde qu’un tel être. — Et tu desires ? — Empoisonner ce vilain homme, devenir régente ; le peuple me préfère à lui, il adore mes enfans ; je régnerai seule, tu deviendras ma favorite, et ta fortune est faite. — Non, je ne demeurerai pas avec toi, je n’aime pas le rôle que tu me proposes ; d’ailleurs, j’idolâtre ma patrie et veux bientôt y retourner ; je te servirai ; je vois que les moyens te manquent : Ferdinand, qui possède des poisons