Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

livres de rente chacune, ce qui, réuni à ce que j’avais déjà, me composait un revenu de six millions six cents mille livres à manger par an ; mais craignant de paraître suspectes à Venise avec une fortune aussi considérable, nous prîmes tous les moyens nécessaires à persuader que le luxe que nous affections n’était le résultat que du produit de nos charmes et de nos connaissances dans l’art de la magie, et dans l’effet des simples. Nous recevions en conséquence chez nous, toutes les personnes de l’un et l’autre sexe, qui desiraient des voluptés ou des instructions, La Durand avait fait exécuter, d’après cela, un laboratoire et un cabinet à machines à-peu-près dans le goût de celui qu’elle avait à Paris : on y voyait des trappes, des coulisses, des boudoirs, des cachots et tout ce qui peut en imposer aux yeux et à l’imagination ; nous prîmes de vieilles servantes, promptement dressées à toutes ces manœuvres, et nos deux jeunes filles eurent ordre de se prêter avec autant de complaisance que de soumission à tout ce qui devait servir et l’un et l’autre de nos projets. Vous vous souvenez qu’elles étaient vierges ; cette raison, jointe à tout ce que nous devions