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asile, afin d’éteindre aussi-tôt, dans la mer, les bûchers dont le fanatisme voudrait la punir ; il est certain qu’elle gît là comme dans son temple, et qu’il est bien peu de villes en Italie où elle règne avec plus d’empire.

L’air qu’on respire à Venise, est mou, efféminé, il invite au plaisir, quoique souvent peu sain, sur-tout quand la marée est basse ; alors, les gens riches vont le plus qu’ils peuvent dans les campagnes riantes qu’ils possèdent en terre ferme ou dans les isles voisines de la ville. Malgré cette mauvaise qualité de l’air, on y voit cependant beaucoup de vieillards, et les femmes s’y flétrissent moins vîte qu’ailleurs.

Les Vénitiens sont communément grands et bien faits, leur physionomie est gaie, spirituelle, et cette nation bien connue mérite d’être aimée.

Dès les premiers jours de notre arrivée dans Venise, je m’occupai de placer les sommes que je venais de me procurer nouvellement ; et malgré les instances de la Durand pour que je gardasse tout, je voulus absolument partager ; nos lots nous formèrent à-peu-près un million cinq cents mille