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donc transférée à la conciergerie, où elle se vit au moment de payer de ses jours le refus de partager une horreur. Un nouveau délit pouvait seul la sauver. La providence voulut que le crime servit au moins une fois d’égide à la vertu, qu’il la préservât de l’abîme où l’allaient engloutir la méchanceté des hommes et l’imbécillité des juges. Justine se permit quelques plaintes amères contre les coquins qui la perdaient aussi cruellement ; mais ses imprécations, loin d’attirer sur eux la colère du ciel, ne servirent qu’à leur porter bonheur, Delmonse hérita peu de jours après d’un oncle mort aux isles, qui lui laissa cinquante mille livres de rentes, et Dubourg obtint du gouvernement une régie générale, qui, dans le même mois, augmenta son revenu de quatre cent mille francs annuels.

Il est donc vrai que la prospérité peut accompagner et couronner le crime, et qu’au milieu du désordre et de la corruption, tout ce que les hommes appellent le bonheur peut se répandre sur la vie. Que d’exemples de cette triste vérité il nous reste à offrir encore[1] !

  1. Cette vérité est décourageante, disent les sots, il ne faut pas l’offrir aux hommes ;