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hôpitaux ; mon instituteur en chirurgie disséquait tous les ans des créatures vivantes de l’un et l’autre sexe, et nous n’avons tous deux rectifié les bévues de nos prédécesseurs, que par de semblables opérations. Pour une douzaine de sacrifices, nous avons sauvé la vie à plus de deux mille individus ; et je demande si l’on doit jamais balancer en tel cas. Tous les artistes ont pensé de même : quand Michel-Ange voulut rendre un Christ au naturel, se fit-il un cas de conscience de crucifier un jeune homme, et de le copier dans les angoisses ? La sublime Madelaine en pleurs du Guide fut prise sur une belle fille que les élèves de ce grand homme avaient flagellée à outrance ; tout le monde sait qu’elle en mourut. Mais quand il s’agit des progrès de notre art, de quelle nécessité ne doivent pas être ces mêmes moyens ? et combien y a-t-il un moindre mal à se le permettre ? Le meurtre opéré par les loix est-il d’une autre espèce ? et l’objet de ces loix, qu’on trouve si sages, n’est-il pas le sacrifice d’un pour en sauver mille ? On nous devrait, au contraire, des récompenses, quand nous sommes assez courageux pour vaincre ainsi la nature au profit de l’humanité, Oh ! la victoire n’est pas bien