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donne de l’énergie à l’homme ; et si cela est, ne doit-il pas induire de-là que c’est pour ce seul plaisir que l’a créé la nature ; qu’il mette tous les autres en parallèle avec celui-ci, il verra quelle différence, il sentira s’il en est un seul qui l’embrâse avec autant d’ardeur. Son empire est tel sur une ame, qu’aussi-tôt qu’elle en est remplie, elle ne peut plus penser à autre chose. Examinez un homme vraiment libertin, vous le verrez toujours occupé ou de ce qu’il a fait, ou de ce qu’il projette de faire. Dans une parfaite insouciance sur tout ce qui ne tient pas à ses plaisirs, vous le verrez pensif, concentré dans lui-même, et comme s’il craignait de donner accès à un mouvement qui pût le distraire une minute des libidineuses idées qui l’enflamment ; on dirait qu’une fois enchaîné au culte de ce Dieu, il lui devient absolument impossible d’être ému par quoi que ce puisse être, et que rien n’est capable de distraire son ame de la délicieuse passion qui le captive : c’est donc à elle seule que nous devons tout sacrifier ; il ne doit être qu’elle seule de respectable à nos yeux ; méprisons souverainement tout ce qui s’en éloigne ou la combat ; et pour mieux lui prouver notre hommage,