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Entièrement livrée a sa douleur, Justine se jette aux pieds d’un arbre, et là, lui donnant le plus libre cours, elle fait retentir le bois de ses gémissemens ; elle presse la terre de son malheureux corps… elle arrose l’herbe de ses larmes.

« O mon Dieu ! s’écrie-t-elle, vous l’avez voulu, il était dans vos décrets éternels que l’innocent devînt la proie du coupable : disposez de moi, Seigneur ; je suis encore bien loin des maux que vous avez soufferts pour nous. Puissent ceux que j’endure en vous adorant, me rendre digne un jour des récompenses que vous promettez au faible, quand il vous a pour objet dans ses tribulations, et qu’il vous glorifie dans ses peines ! »

La nuit tombait, Justine n’ose aller plus loin ; elle craint, en évitant un danger, de tomber dans un autre ; elle jette les yeux autour d’elle ; elle apperçoit le fatal buisson où elle avait couché deux ans auparavant, dans une situation tout aussi malheureuse ; elle s’y traîne, et, s’étant mise à la même place, accablée d’inquiétudes et de chagrins, elle y passe la plus cruelle nuit qu’il soit possible d’exprimer.

Cependant, à peine le jour parut-il, que