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encore plus de violence ; le véritable libertin aime jusqu’au déshonneur, jusqu’aux flétrissures, jusqu’aux reproches que lui méritent ses exécrables procédés ; ce sont des jouissances pour son ame perverse ; n’en a-t-on pas vu qui aimaient jusqu’aux supplices que la vengeance humaine leur préparait… qui les subissaient avec joie… qui regardaient l’échafaud comme un trône de gloire, où ils eussent été bien fâchés de ne pas périr avec le même courage qui les avait animés dans l’exécrable exercice de leurs forfaits et de leurs attentats. Voilà l’homme au dernier degré de la corruption réfléchie ; voilà Bressac. Il se lève froidement ; je vois bien, dit-il à Justine, que je m’étais trompé, j’en suis plus fâché pour vous que pour moi ; n’importe, je trouverai d’autres moyens, et vous aurez beaucoup perdu sans que votre maîtresse y ait rien gagné.

Une telle menace changea toutes les idées de Justine ; en n’acceptant pas le crime qu’on lui proposait, elle risquait beaucoup pour son compte, et sa maîtresse périssait infailliblement ; en consentant à la complicité, elle se mettait à couvert du courroux de Bressac, et sauvait certainement la marquise : cette réflexion, qui fut en elle l’ouvrage d’un instant,